Marie-Hélène, une des chevilles ouvrières du "collectif citoyen" de Perros-Guirrec, qui organisait, en mai, la pig-mascarade (en réplique à la supercherie de la pig-parade du comité régional porcin), nous adresse cet édifiant dialogue cochonnier. Cette parade de la honte cochonnière est actuellement place de la cathédrale à Quimper. La ville de Brest, initialement prévue, ayant refusé de recevoir cette tromperie éhontée, la prochaîne étape aura lieu à Paimpol, à partir du 12 juin... avec pig-mascarade à l'appui. JK
cf aussi "la promotion du pire" et "artistes cochonniers"
Voici Ernest et Gaston en pleine conversation :
- Tu sais quoi Ernest ? c'est un truc de dingue... Tu ne sais pas comment ils vont encore faire plus de pognon avec nous ? Alors je t'explique le nous, mais c'est pas de notre faute : on nous exploite et c'est un petit mot, je passe sur nos conditions de vie effroyables : les tortures, les cages, les piqûres ; on doit se chier dessus et j'en passe ; notre vie, elle est pas très gaie. On est parqué sur des dalles de béton dans des hangars dans lesquels on ne voit jamais le jour, à la lumière artificielle dans une puanteur due à ce qu'on nous fait bouffer, des graines tout le temps. Certains de nos geôliers mettent des fleurs à l'extérieur des bâtiments, il paraît que c'est joli, Ernest, et sûrement que ça doit leurs donner bonne conscience à eux qui vivent dehors. Pour eux, ce qui est rentable chez nous, c'est la viande... quoique ! il semble que ça ne soit plus très vrai... mais figures toi, Ernest, que notre merde va devenir aussi rentable.
-Dingue ! Raconte Gaston !
-Les tonnages d'effluents que nous fabriquons sont déposés en masse sur les sols, ça on le sait. De ces derniers se dégagent phosphore et azote qui se transformeront en nitrates une fois dans l'eau des rivières. Les taux très élevés de nitrates génèrent toutes ces algues vertes, cette pollution. Quand ces algues vertes se déposent en masse sur les plages, la couche supérieure sèche au soleil, elle devient alors imperméable aux échanges gazeux. Les couches inférieures ne bénéficient plus d'oxygène. On appelle ce phénomène anaérobie (sans air quoi). Les bactéries présentes dans l'algue libèrent alors du souffre. Le tout forme de l'hydrogène sulfuré qui est mortel s'il est inhalé.
-Ben dis donc mon pote, tout ça à cause de nous ! Moi je serais eux j’arrêterais, ou je réfléchirais à faire autrement. On va les tuer sans le vouloir, à la fin !
-Oui mais c'est pas fini, Ernest, parce que aujourd'hui ils ont trouvé un truc pour faire encore plus de pognon. Ils vont nous faire rebouffer les algues vertes polluées.
-Non !
-Et si ! Voilà c'est simple, plus on sera nombreux, et malheureux cela va sans dire, plus on va produire de lisier, plus on va faire de pollution, plus il y aura d'algues vertes... tu me suis, Ernest ?
-Bof , j'essaie !
-…et avec les algues vertes devinent ce qu'ils vont faire ? Et bien de la bouffe pour cochons, entre autres. Eux ils disent « produits de nutrition animale » et aussi « fertilisant » … fertilisant... tu m'excuseras mais... mon jambon ! Certains d'entre eux vont être heureux parce qu'ils vont toucher plein de sous. Enfin si l'argent fait le bonheur !
-Je plains ceux qui vont ramasser les algues ; faut qu'ils fassent gaffe, ils sont en danger.
-En fait la pollution qu'on génère va se transformer en or pour certains ; ils ont donc intérêt à agrandir nos prisons… encore et encore. Et voilà la boucle est bouclée. Bon je vais être un peu vulgaire mais si tu réfléchis : on nous donne des graines à base d'OGM à manger, donc de la merde, on chie de la merde : le lisier qui se transforme en une autre merde : les algues vertes, qu'on va retransformer en une autre merde : des granulés alimentaires qu'on va nous redonner à bouffer.
-Et tout ça, ça peut faire de l'or ?
-Pour certains oui, Ernest, c'est bien triste.
-Mais le pire, là-dedans, Ernest, c'est qu'après... eux ils nous bouffent.
-Alors tu te rends compte dans quelle merde ils sont ?
-C'est dingue ! Et nous dans l'affaire, Gaston ?
-Ben nous on est mal barré, mon Ernest, on n’est pas sorti de là. Mais, tu sais, il y a de plus en plus de gens qui se battent pour qu'on s'en sorte. Un jour, on y arrivera. On nous respectera, comme nous respectaient leurs grands parents à tous ceux là qui ne voient plus que des euros dans nos yeux ou plutôt dans nos fesses. Tu sais, les mots business, compétitivité, rentabilité, ils n'ont que ces mots-là à la bouche. Comme on ne peut pas éradiquer les algues vertes, on va en changer l'image ; elles deviennent un trésor à récupérer. On veut transformer le regard qu'ont les gens sur la pollution qui devient source de richesses. On se moque de tout ce qui est fait pour lutter contre les algues vertes, de tous les gens qui se démènent pour que l'on vive mieux, pour que la nature soit préservée et non polluée. Comment le pire peut-il devenir le meilleur ?
-Ben merci, Gaston, mais elle n’est pas très gaie ton histoire !
Marie Hélène