220 - QUÊTE ARTISTIQUE (3)

3- La quête du Graal

Qui suis-je ? Où vais-je ? Où cours-je ? Dans quel éta-gère ? Ces interrogations taraudent l’artiste. À le rendre parfois dingue. Depuis au moins les grottes de Lascaux. Pourquoi, devenu vieux, ne peut-il pas poser son sac comme tout le monde et jouer tranquillement aux dominos en buvant son chocolat au club du troisième âge ? Sa quête au cles mendiantshapeau de fin de spectacle le renvoie sans fin à l’autre quête, celle chantée par Jacques Brel : « atteindre l’inaccessible étoile ». Pas de répit pour cette quête du Graal ! On en crève !

Il n’est d’artistes qu’autoproclamés. Certes les écoles artistiques prolifèrent : théâtre, peinture, cinoche… moyennant rétributions, les maîtres nous font grâce de leurs trucs. On n’y apprend des techniques. Mais fondations ne font pas maison. Le génie créateur ne s’apprend, ni ne se lègue. C’est un don, dondaine dondon. Pas de diplôme !

Il ne se dicte pas non plus à l’aulne des causes pré-établies, qu’elles soient politiques ou religieuses. L’art n’est pas « au service de ». Lui assigner les limites de slogans simplistes c’est à coup sûr le détruire. Même les mystères chrétiens moyenâgeux, joués aux porches des cathédrales, maniaient d’heureuses astuces pour échapper à leurs commanditaires. L’évocation de diables ou de filles perdues, permettaient d’amples transgressions coquines sous prétexte de dire l’enfer ou la rédemption. Les gargouilles et jubés de nos chapelles bretonnes en disent long sur ces ruses lubriques qui n’auraient pas déplu à Brecht. Jouer au chat et à la souris avec le pouvoir. Évoquer la morale permet de titiller l’interdit.

Comme il en va pour toute œuvre artistique, les vrais spectacles n’ont de « militants » que l’apparence. Leur raison ultime est ailleurs : « la déconstruction incessante de notre confort intellectuel » (Barthe). Quelle outrecuidance de s’imaginer jouer les justiciers ! Pourquoi pas carrément les gourous ?

D’où l’artiste tient-il sa légitimité à « dire le sens » ? Celui de la vie et de la mort. Parole prophétique dont la plupart n’ont rien à cirer. Grand prêtre d’une religion fumeuse dont les mots, proférés sur scène, seraient les saints sacrements. Les mots deviennent des scuds à longue portée, lancés à la gueule de l’obscurantisme, de la suffisance et de la bêtise. Pas étonnant qu’ils suscitent l’agressivité. Devenir artiste, c’est s’entraîner quotidiennement à réceptionner cette agressivité. Et même à s’en nourrir. Tout en gardant son enfance joueuse et farceuse. Et dansons la capucine !

Tenter d’expliquer un monde auquel on ne comprend rien soi-même. Poser des lignes pour une pêche miraculeuse à laquelle on ne croit plus guère. Rire de la mort qui vient. Jouer l’entourloupe et danser l’entrechat sur un fil invisible en faisant semblant qu’il s’accroche aux certitudes et qu’il conduit quelque part. Le sens existe, j’ai failli le rencontrer. Faute de le déchiffrer, c’est lui qui nous englobe. Les dieux sont manipulateurs. Ils te mènent en des chemins imprévisibles. Difficile de leur résister.

Surmontant son éternelle déprime, le quêteur se fait alors modeste guetteur. À la haute tour d’un château dont il n’est qu’invité de passage.

-C’est vers où l’avenir papy ?

-Tais-toi, petit, et quête !

JK (Fin)

 

COMMENTAIRE

-Ah la belle quête que nous avons là !
Je dois dire mon colonel, que vous nous avez gâtés ! Une quête laïque surmultipliée ! Et de ne nommer point
l'auteur spécialiste en courbettes et demandes de subs PSstiques qu'on connait ( entre autres ) rajoute à la dimension du sujet ...
Je dis chapeau mon général, ce fut un vrai régal de vous lire. Iso