Attention ! On ne croirait pas comme ça, à lire ce titre, mais ce qui suit, c'est du lourd ! En milliards d'euros ! Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, mais ça viendra avec l'âge, Vitalia est le second groupe privé de santé en France, et Sodexo une grosse multinationale française de distribution de malbouffe industrielle.
Tout débuta un soir de juin, alors que mon papounet, sur une terrasse gravillonnée, s'entraînait à perfectionner ses katas de judo avec une chaise pliante en bois. Après un balayage latéral inattendu, père chut et la chaise vainquit par « Ipon ! ». Direction léo-pitaux dans le fourgon rouge qui fait pin-pon. Mauvaise fracture du fémur, en biseau sur tout sa longueur. Après l'opération de rafistolage, un manchon de grillage et quelques clous, et l'hospitalisation proprement dite, vint la longue période de rétablissement médicalement assisté, étant donnée son inaptitude à la plus élémentaire claudication autonome.
Je me permets ici de remercier le Seigneur, qui, dans sa grande sagesse, a créé localement un centre de convalescence Vitalia, offrant le gîte, le couvert et le kiné aux éclopés berrichons.
Mais c'est qui, Vitalia ? Eh ben, c'est 42 établissements en France profonde (la province donc), avec plus de 700 millions d'euros de chiffre d'affaires et 110 millions de bénef. Pas facile quand on sait qu'en France, les tarifs hospitaliers sont encadrés par l'état. D'où c'est-y qu'ils sortent leur marge, m'interrogé-je ? Tout ça m'a l'air pourtant fort rentable puisque le principal concurrent, Vedici, envisage de racheter l'affaire pour près d'un milliard d'euros. Forcément, moi, ça m'interpelle tous ces zéros ! Alors je me rencarde sur le proprio actuel : Blackstone...
Ah, okay ! C'est un fonds d'investissement ! Le plus grand du monde ! Son co-fondateur et patron a gagné en 2014 la somme modique de 690 millions de dollars. Pas mal... Associé avec un collègue de la banque Lehman Brothers, où ils bossaient pour des clopinettes, ils se sont spécialisés dans le rachat au rabais des actifs immobiliers des banques fragilisées par la crise des sub-primes aux Etats-Unis, en Espagne et ailleurs. Rien que dans le choix du nom, on voit que les gars en ont dans le ciboulot : Schwarzman et Peterson, qu'ils s'appellent; alors ils ont opéré la déclinaison suivante : Peter = Pierre = stone et schwartz = noir = black. Bien trouvé !
« Buy it, fix it, sell it» (Acheter, réhabiliter, et vendre), c'est la devise de la firme, qui possède déjà 85 milliards de dollars d’actifs immobiliers à travers le monde. C'est ce que les gauchistes aigris, jaloux et mal-intentionnés nomment généralement un « fonds vautour », on se demande bien pourquoi...
Donc Blackstone envisagerait de vendre sa branche clinique française à un autre fonds d'investissement, CVC Capital Partners, j'imagine qu'il s'est assez fait de beurre comme ça dans le secteur, mais qu'il en reste encore assez à gagner pour que l'autre rapace y trouve son bonheur.
Je vous passe les détails de machinations immobilières et de transactions entre investisseurs, d'abord, même si j'ai lu des trucs, j'y comprends que dalle, faut vraiment être initié pour suivre les subtilités du montage... Donc, j'ai pas encore trouvé comment c'était possible de dégager autant de profits, sauf en tirant à fond sur la sous-traitance, en sur-facturant la moindre prestation (jusqu'aux appels téléphoniques pour joindre les patients) et en retardant un certain nombre d'investissements. C'est vrai que les vieux coûtent cher à la société, et quand il fait 38 ° Celsius dehors et 33 à 35 dans les chambres, il n'est pas rigoureusement utile ni indispensable d'installer des clims ni de revoir l'isolation des locaux, on peut très bien se contenter de leur proposer de temps en temps, aux vieux, un verre d'eau du robinet.
Là oùsqu'ils doivent marger un max aussi, chez Vitalia, c'est sur les prestations alimentaires. Comme un bon fils, j'ai partagé un repas avec mon pôpa qui, à cette occasion, prit le pain, un ridicule quignon industriel, et le rompit. Pour sortir de l'ordinaire, on avait choisi la formule « améliorée », le menu carrément « festif » à 18 euros. Jamais encore, au grand jamais, même à la cantoche ni en voyage scolaire en Angleterre, je n'avais mangé pareille infamie ! L'entrée : soit « terrine aux 3 légumes », une micro-méduse gélatineuse avec 3 ou 4 taches de couleurs synthétiques évoquant vaguement la carotte et le haricot vert (incapable de déterminer la nature du troisième végétal annoncé dans le titre...), soit « langoustines du pêcheur », des fibres spongieuses dans quatre carapaces molles, présentées queues en l'air dans un minuscule ramequin, noyées dans une sauce blanche à la fois aqueuse et grasse où flottait entre deux eaux le cadavre d'une demi-moule. Ensuite on avait pris le « délice de saumon à la parmentière ». Là, c'est une fine-fine-fine tranche de saumon norvégien bourré d'antibios et de pesticides, sans doute les invendus des soldeurs, farcie d'un agglomérat de mie de pain et des restes des jours précédents hachés très fins pour lui donner une apparence de volume, avec une coulée jaunâtre qui avait vaguement un arrière-goût de pomme de terre et un aspect de purée mousseline ratée. Je vous passe les détails de la tarte tatin du même tonneau, le tout arrosé de Château-Lapompe de chez Véolia. 18 euros ! Merci Sodexo ! Beuârk !
Là, le patron est français, donc c'est un gagne-petit : en tant que directeur général, en 2012, Michel Landel a bénéficié d'un salaire de 1 869 186 €, mais avec les diverses primes et bonus, un site américain avance le chiffre total de 4,2 millions de dollars. Une broutille...
Le rêve de Sodexo, leader mondial de la restauration collective, c'est de fournir les repas de tous les humains du monde entier, tout au long de leur vie, depuis la maternelle jusqu'à l'hospice, en passant par les universités, les entreprises, l'armée et les prisons... C'est chouette non ?
Le saviez-vous ? C'est grâce à Sodexo que les ricains ont gagné la guerre en Irak, par exemple. Pendant que les sbires de Saddam se gavaient de merguez aux pois chiches et de rahat-loukoums dégoulinants de graisses mono-saturées, les boys savouraient des plats sains et équilibrés, élaborés par des diététiciens hautement qualifiés.
Bon, évidemment, là encore, on trouve des esprits chagrins qui ergotent et polémiquent sur la qualité des menus et les conditions imposées aux clients et fournisseurs, les collaborateurs sous-payés, l'implication dans des scandales de sécurité alimentaire, etc... Des fâcheux vous dis-je ! Car Sodexo a déjà son martyr : la première victime colatérale des attentats contre « Charlie-Hebdo » a été un de leurs techniciens de surface qui n'était même pas juif et ne faisait pas de politique.
De plus, les récompenses pleuvent sur cette entreprise exemplaire et méritoire, engagée dans des actions contre la faim et la malnutrition, l'agriculture bio et équitable (très-très-très marginal tout de même), le développement durable et la réduction des déchets alimentaires (mais j'ai déjà expliqué pourquoi, vu qu'ils doivent probablement re-cuisiner les restes...). Et tous ces titres ont été décernés par qui ? Hein ? Par l’index de développement durable Dow Jones et le Forum économique mondial de Davos. Des experts en éthique !
Quand on ira en maison de retraite, y faudra quand même demander si on a le droit d'apporter son manger...
Knoppy
COMMENTAIRES
Bravo pour ton enquête mon lapin ! J'espère que le fémur de Knopp Senior va mieux. Ma chère maman tient debout avec force boulons grillages et rafistolages en tout genre ! Elle n'est plus du tout côtée à l'Argus mais elle tient encore la route !
Tiens vla la suite de ton artique glacial ... Pour l'or gris, sodexo demain remplacera les repas par du soleil vert en tablette DomusVi Orpea Colisée : les mousquetaires de l'expédition (au paradis)
http://www.filpac-cgt.fr/spip.php?article8271
Iso
V'la ce qui m'attend très bientôt ! JK
Merci ma lapinette pour le lien et ton aimable commentaire. Si on se bouge un peu, on pourrait peut-être s'en faire une sur-mesure, d'Ehpad, dans un vaste parc arboré avec un petit ruisseau qui roucoule et des zoiseaux qui gazouillent. Un bâtiment Haute Qualité Environnementale et une cantine bio, et Jean serait notre premier client. Caisse v'z'en dites ? Knoppy
LE BON FILON
Ah la belle idée d'une Old Coloc HQBIO rurale, pour ex young people without gold card !
C'est vrai, on imaginerait facilement, une jolie demeure ancienne dans un coin de verdure. Une demeure avec un verger et une petite prairie avec un ruisseau qui chante, des pigeons qui roucoulent et un piano bastringue. Un coin de campagne pour vivre tranquillement sa vieillesse avec son chien ou son canari bleu ou les 2 et son chat moumoutte et ses bons vieux copains, pour pas rester tout seul dans notre coin ... Enfin, un petit paradis sur terre avant l'enfer qui nous est promis comme ultime étape sans climatisation. On peut imaginer pour finir nos vieux jours, une chambre avec vue et une scène pour le pape ! On peut tout imaginer.
Sans Xanax Rivotril Stilnox Lyrica Vallium Tramadol Humoryl Laroxyl Ludiomil Marsilid Contramal et toute la clique. Bref, un havre de paix sans molécules chimiques, avec cantine bio. Louant la vigne et le tabac. On peut tout imaginer, sauf ce qui se passe dans la réalité. Alors voilà : Souvent, quand un nouvel EHPAD certifié conforme, ouvre dans une commune, son représentant de commerce s'en va trouver le dealer le plus proche. Celui qui a pignon sur rue, j'ai nommé " La Pharmacie ". Bonjour Madame la pharmacienne, vous avez bien de la chance, nous Domus Truc, allons vous passer de grosses commandes ! Ensemble, on va bien travailler. On est certifié dealer légal, voyez, et pour bichonner nos pensionnaires, avant leur grand départ, il nous faut un peu de tout ! Vous nous faites un prix au kilo, tout se vaut aujourd'hui et nos clients aiment avoir le choix, et Dieu merci, c'est remboursé par la Sécurité Sociale. Pensez, devant un si gros client, dans un premier temps, sans trop réfléchir, la pharmacienne n'ose refuser et accorde un joli rabais jusqu'à la fois prochaine, se dit-elle ...
Sauf que la fois d'après, Domus en redemande et encore et encore, et au bout d'une année la pharmacienne vacille au moment du bilan, elle a accordé plus de rabais qu'elle n'a vendu de médicaments. Damned. Alors pour se refaire une santé, elle convoque le représentant pour revoir les tarifs de la nouvelle année. C'est alors que le Sergent Domiticien la renvoie dans son officine refaire ses comptes d'apothicaire. Désolée chère Madame, notre contrat était d'un an, il a pris fin c'est navrant. Tous les ans Domus change de crèmerie pour satisfaire ses actionnaires. C'est comme ça qu'il fait des affaires. Et c'est ainsi que de fil en aiguille, ferment de petites pharmacies qui seront bientôt remplacées par de grands centres spécialisés, des Leclerc Santé ou des Carrefours Seniors ou magazins d'usine en vente directe des gros Labos bientôt, qui appartiendront aux mêmes fonds de pension qui financent les nouvelles maisons de la ruée vers l'or gris.
C'est la loi du marché ! Et la concurrence a du bon. Quand on trouve de nouveaux gisements, faut exploiter tous les filons !
La concurrence a surtout du bon, quand c'est toi qui bouffe les autres. Il paraît. Iso