270 - LE TRÈS GRAND

LE GRAND SAINT-BRIEUC

Comme lire nuit gravement à l'ignorance, je descendais à pied il y a quelques jours, la rue de la Gare à St Brieuc, dans le but d'acheter des livres pour les offrir à Noël. J'avais garé ma voiture dans la vallée, pour ne pas refiler un euro à Vinci. Je descendais la rue de la Gare comme autrefois, pour aller travailler au Crédit Immobilier de France, feu ma boîte, quand je fus happée par deux gigantesques affiches dans la vitrine de l'ex-marchand de meubles, disparu lui aussi. Là, quelle ne fût pas ma surprise ! J'éclatais de rire devant l'indécence clinquante de deux affiches aux normes de n'importe quel projet immobilier, de n'importe quelle ville, de n'importe quel pays. Elles titraient LE GRAND SAINT-BRIEUC Robien Quartier de la Gare et LE GRAND LEGUE. C'est dire, si parfois nos décideurs soustraits de nos réalités, n'ont absolument pas le même regard que nous sur la ville. C'est dire aussi à quel point ils sont décomplexés.

Sur l'affiche, on se serait cru à Rome au temps de sa splendeur. Le décalage était énorme au point qu'il prêtait vraiment à rire. Quand Saint-Brieuc ma ville en crise, m'apparaissait de plus en plus comme une vieille dame édentée, comptant pour dents noires, toutes ses vitrines non éclairées, pour certains, elle avait tout d'une grande. C'est vous dire le fossé. legue

Je réalisais du même coup, que du GRAND PARIS au GRAND LEGUE il n'y aurait bientôt qu'un pas, franchi en deux heures quinze dans le meilleur des cas, grâce à la Ligne à Grande Vitesse. Diable, me dis-je, le temps presse, devrais-je d'ores et déjà m'accoutumer à l'idée de vivre en banlieue ? Je m'étais déjà la mort dans l'âme, à moitié résignée, à l'extermination de ma chère vieille passerelle Harel de la Noë.

J'avais avalé que pour redonner à ma Gare une nouvelle jeunesse, qu’elle devrait retrouver son aspect d'antan, entendez celui qu'elle avait en 1931. Que pour se faire, on allait démolir l'ancienne pour une nouvelle nettement plus contemporaine qui ressemblait à une mouette ( !!! ??? ... ) La preuve qu'on peut tout avaler, même une mouette. J'avais fait semblant de gober qu'on allait accueillir non plus 1,2 millions de passagers mais 2 millions par an sortis d'un chapeau, grâce à la LGV ... Sous entendu que les parisiens avaient l'intention de venir habiter chez nous, et que tous, nous allions aller bosser ensemble à Paris le matin, et revenir par la LGV dormir en vitesse le soir chez nous. Sauf les employés des bureaux parisiens décentralisés à la Gare de Saint-Brieuc, qui rempliraient tous nos hôtels à la semaine, bien entendu.

Mais là, le coup du Grand Légué m'ébranla au point, que j'étais prise d'un énorme rire qui ne me quitta point jusqu'à la librairie. Ah comme il est bon de rire ! Je pensais en riant, plus c'est gros plus ça passe et reliais le titre de l'affiche à une expérience récente.

Mon chien adore me balader au Légué, et quelques jours auparavant il m'avait conduite devant la porte d'une nouvelle boulangerie pâtisserie d'où j'étais sortie perplexe, avec un éclair au café qui m'avait coûté 4,50 euros, en me disant : " Ils m'ont prise pour une américaine ou quoi, on est au Légué quand même pas à Long Island !" Ben si, enfin presque, la boutique affichait le nom de Portland ( Etat d'OREGON ), Je pensais oh pétard, fini les galettes saucisses, nous voilà passés de l'autre côté. Quelque chose de grand s'annonce en effet. En sortant de la librairie reprenant le cours de mes pensées, je me pris pour Pérette et son pot au lait.

passerelleVoyons, par quel bout prendre le raisonnement de la construction de Saint-Brieuc la Grande. Prenons une LGV, ses huit cent milles nouveaux clients qui feront des petits, en quelques décennies nous en aurons un bon million, dont un bon pourcentage exigera d'habiter au Port. Et viva la speculation ! Agrandissons le Port d'un tout nouveau bassin, 100 mouillages au bas mot et trois cents places au sec. L'argent appelle l'argent, il nous faudra des restaurants, des tavernes, des bistrots.

Il paraît que le Quai Armez accueillera d'immenses bateaux d'un tonnage de 5000 tonnes au lieu des 3000 d'aujourd'hui et qu'il a bien été pensé d'agrandir le port justement, pour pouvoir acheminer les éoliennes et tout le matériel prévu pour bien les installer et ensuite il faudra bien les réparer. Imaginons après et même pendant la construction, imaginons le développement touristique. Des touristes débarqueront du monde entier, il y aura un système de navettes prévu pour leur faire visiter ce nouveau lieu écologique prestigieux. L'hostellerie n'aura qu'à bien se tenir. 75km² - 62 éoliennes Offshore de 250 mètres de haut, l'île de Pâques à côté fera triste figure. Imaginez 75km² de parc, entretenus par 140 agents de maintenance, transportés chaque jour par deux bateaux de 25 mètres de long chacun. C'est ce qui est prévu. Deux milliards cinq d'investissement pour produire 40 % de la production bretonne ! Il faudra qu' EDF rachète notre électricité un bon prix pour qu'on ne soit pas lésé, les négociations sont en cours mais c'est Top Secret on se demande vraiment pourquoi.

Même si l'Etat est actionnaire, on ne va quand même pas s'en méfier quand on pense qu'AREVA spécialiste du nucléaire construira nos plus grandes turbines au large de Fréhel, ah nous avons bien de la chance de contracter avec les plus grands, ils sont tellement professionnels. Tenez, le consortium d'AILES MARINES qui nous a vendu ses jolis moulins en Espagne, a certainement prévu d'empocher de jolis bénéfices qui transiteront par sa belle fondation afin de réaliser quelques économies d'impôts.

Et IN VIVO là c'est la cerise sur le gâteau, IN VIVO C'est le bureau qui est chargé de réaliser l'étude d'impact du grand projet éolien, voyons quels sont ses intérêts dans l'affaire. Hormis le fait qu'il bouffe à tous les râteliers du monde, on peut imaginer, qu'il imposera à tous les ports français, et à nous en premier, de ne travailler qu'avec ses produits. Enfin ceux de sa société mère; mais si, vous savez bien, In Vivo c'est le groupe AVRIL SOFIPROTEOL ( dirigé par Xavier Beulin à la tête du plus grand syndicat agricole ) Chargé de l'étude d'impact In Vivo mais oui ! Quant à Xavier Beulin, c'est l'homme qui s'est mis dans la tête de ravitailler tous les hommes et les bêtes de la planète. Il n'a qu'un but " Nourrir toute l'humanité ". C'est louable ! Enfin ceux qui peuvent le payer dans un premier temps ...

Ah misère, mon futur GRAND LEGUE je l'avais bien compris, était surtout devenu un bel espace de développement stratégique pour les firmes mondiales qui n'ont que faire de l'avis de la population. Je me demandais malicieusement toutefois, si la nouvelle MAISON DES CULTURES DE BRETAGNE, en construction au Légué, se résoudrait sous la pression, à accueillir dans ses futures vitrines, les fameux cochons en béton de la FNSEA ? Que sera sera.

Iso

 

COMMENTAIRES

-"Small is beautiful "JK