31 - Fachos et biscoteaux

   Le Front National sort des tranchées. Son score dans les grandes villes cache la forêt des petites communes. fachos1Pas besoin ici de candidats FN, pour craindre pour sa peau en s’aventurant boire un café au bourg, tant les idées fachos sont déjà profondément incrustées dans les têtes. Elles tiennent le comptoir comme ils tiennent les urnes. Ils pavanent en levant leur Kro. Les plus forts, les plus retords, les plus malins, les plus habiles à trafiquer l’information, à imposer un modèle unique de développement, à faire taire toute velléité d’opposition, à impressionner le populo par l’entremise de leurs petits caïds.

    Si, par exemple, on signifie à un porcher ou a volailler hors-sol vivant des primes de Bruxelles, c’est-à-dire avec notre fric, l’agression permanente sur notre santé, notre environnement, notre porte-monnaie, de ses animaux en batterie qui puent, il s’arroge aussitôt le droit de vous casser la gueule. Et tout le monde d’applaudir. Pas besoin de liste FN aux élections pour comprendre de quelle manière les petits potentats locaux font le lit quotidien du futur kaiser. 

    Brecht a écrit sur le sujet une pièce de Théâtre en un acte : « Combien coûte le fer ? », une métaphore sur la montée du nazisme. On est en 1938. Un quincaillier vend du fer. Son seul objectif : vendre et avoir la paix. « Je veux vendre mon fer en paix, un point c’est tout. » Il se paye même le luxe de se déclarer « contre la violence. » Il ferme les yeux sur un gros client qui, peu à peu, lui achète toutes ses barres de fer à bon prix, pour, soi-disant, « mieux protéger ses voisins ».

fachos2   Les petits clients habituels du quincaillier, Monsieur Lautrichien, Madame Tschek… disparaissent un à un. Qu’importe, le commerçant ne s’inquiète pas. Il n’est « qu’un petit quincaillier qui n’a pas le tempérament belliqueux». Il a désormais un gros client. Le commerce marche, c’est l’essentiel. Pour le reste, fermons les yeux. « Mon fer, je ne sais pas ce qu’il en fait » … Jusqu’au jour où ce gros client entre dans sa boutique lui réclamer toutes ses barres de fer en lui braquant un pistolet sur la tempe.

    Le fascisme rampant c’est celui qui, au quotidien, s’installe dans nos têtes en considérant ces agressions permanentes comme normales, nous contraignant, comme le quincaillier de Brecht, à fermer nos gueules. Par lassitude. par habitude, pour boire son café en paix, par peur de déplaire à Papy, Bobonne ou tante Agathe, pour ne pas faire tort au commerce, ni abîmer son veston.

Comme personne n’ose les contredire, peu à peu les forts-à-bras font leur trou. Au premier acte, ils ont le coup de poing facile, au dernier c’est le doigt sur la gâchette qu’ils tentent d’impressionner leur monde.
Les petites compromissions font les grands fascismes. Nourris de nos peurs, les caïds aux petits pieds engendrent les fachos aux gros biscoteaux.

JK