43 - Horizontalisons

David Van Reybrouck, belge de langue flamande, vient de publier "Contre les élections" (9,50 €, Acte Sud), charge décapante contre l’épuisement et les dysfonctionnements des démocraties européennes. Au regard de son analyse, les magouilles et grosses ficelles électorales (cf l'article 42 qui précède) semblent quelque peu dérisoires, sinon totalement "à côté de la plaque".
JK

urne1   Le vrai pouvoir migre ailleurs, il faut réactiver la vie publique

    La France, comme tous les autres pays occidentaux, est en train de s’horizontaliser, alors que la Ve République est un régime très vertical, et cet écart crée à la fois malaises et blocages. Les nouvelles technologies accélèrent un processus d’horizontalisation des sociétés et le développement de modes d’organisation moins pyramidaux et hiérarchiques qui entrent en conflit avec votre République paternaliste, inventée par le pater familias Charles de Gaulle comme s’il présidait un déjeuner dominical.

   urne2 À l’âge du manuscrit, les princes et les abbés avaient le monopole de l’information et de sa diffusion. L’imprimerie a entraîné un élargissement démocratique. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un saut équivalent, avec le développement des médias sociaux et des nouvelles technologies. Nous sommes tous devenus des princes ou des abbés ! Cela change la donne de notre fonctionnement démocratique, alors que les structures politiques et institutionnelles de nos démocraties demeurent très hiérarchisées et étatisées.

    Mais c’est vrai aussi par exemple pour le réseau énergétique qui est incroyablement pyramidal. On voit pourtant que de plus en plus de citoyens s’organisent pour une production locale et décentralisée. Je pense donc que s’accélère la mutation sociale vers l’horizontalité, dans un fonctionnement bottom up, alors que le système politique et institutionnel de la France reste profondément top down.

    urne3Il n’est donc pas étonnant que l’insatisfaction vis-à- vis des démocraties dites représentatives se fasse sentir avec une grande acuité dans des pays très verticaux, comme la France ou l’Espagne. J’ai ainsi trouvé symptomatique la manière dont la France a lancé voilà quelques années le Conseil national du débat public. Il s’agissait d’une tentative pionnière de permettre une forme de participation citoyenne, mais celle-ci a tout de suite été procéduralisée.        
Le libre-échange d’idées a été immédiatement cadré, et la France a imaginé une institution nationale et verticale pour s’occuper du débat public, comme si elle avait en réalité peur d’un débat libre.

    Ce qui est étrange, c’est que la France dispose de nombreux penseurs qui ont montré les limites de la démocratie dite représentative et proposé des pistes pour remédier au déficit démocratique : Bernard Manin, Pierre Rosanvallon, Loïc Blondiaux, Yves Sintomer... Mais ces réflexions stimulantes n’ont guère de traductions en pratique au niveau national. Ces pensées n’irriguent pas les actions de la société française.

David Van Reybrouck
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