157 - CHARLIE 2 (suite)

Alors que Knoppy nous invite, à chaud, au paradis d’Allah, il serait impardonnable d’éluder les questions posées par Jean-Do Robin (cf commentaire ci-dessous).
BFMTV fait monter la pression pour nous soutirer l’émotion. La grande manif, dite « front républicain » ou « unité nationale » est bien orchestrée. Et si cette grande manif était aussi une grande manip ?
Nous sommes en guerre, on nous le répète sur tous les tons. Les guerres ont toujours été bien pratiques pour éluder les crises économiques, à base, la plupart du temps, de spéculations financières. Cela évite d’avoir à s’interroger sur les responsabilités de ceux qui nous gouvernent et de ceux à qui profite cette crise.
Oncle Bernard se serait un plaisir de démonter pièce à pièce ce stratagème, destiné pourtant à lui rendre hommage. Ne soyons pas naïfs au point de tomber pieds joints dans le piège qui nous est tendu.
JK


martyrs




COMMENTAIRES 10/01/15 et jours suivants
-N’on ket Charlie.
« Ich bin Charlie », proclamait l’inscription qui accompagnait jeudi matin un dessin obscène, maculant le mur extérieur de la mosquée en construction à Bischwiller, dans le Bas-Rhin. Eh bien décidément non, et au risque de choquer l'unanimisme ambiant, je ne suis pas "Charlie" : N’on ket Charlie !

J'ai à celà quelques bonnes raisons auxquelles la mémoire ne fait pas défaut, et dont la moindre n'est pas celle qu'exprime, beaucoup mieux que je n'aurais su le faire moi-même, Mathias Delori (reprenant la réflexion de la philosophe américaine Judith Butler), dans sa tribune de ce jour sur Médiapart (ci-joint).
Le 15 septembre 2001, je participai, à Carhaix, à l'assemblée générale du Conseil Culturel de Bretagne. Lorsque Jean-Louis Latour, président du CCB, demanda d'entrée de jeu qu'une minute de silence soit observée pour les centaines de victimes américaines des attentats du 11 septembre, je fus pris de court.
Alors que tous se levaient, je restai seul assis, tout en respectant leur silence. Ce n'est qu'à l'issue de ce moment de recueillement que je pus expliquer que j'aurais volontiers pris part à cet hommage, si nous avions préalablement choisi d'y associer les dizaines de milliers de victimes irakiennes, et en particulier les milliers d'enfants morts de faim ou d'absence de soins, en raison de l'impitoyable blocus que les USA imposaient depuis des années au peuple irakien.
Jean-Louis regretta aussitôt que je n'aie pu formuler plus tôt un tel souhait. Mais c'était trop tard pour cette fois : notre assemblée, sous le coup de l'émotion, venait de céder à un bel élan spontané de compassion sélective occidentalo-centrée.

Je crains que 14 ans plus tard, nous n'ayons toujours rien appris et que nous continuions à marcher d'un seul pas et les yeux bandés, vers l'abîme.
Le massacre de la rédaction de Charlie-Hebo - si abominable soit-il - est une nouvelle péripétie (si prévisible qu'il est même étonnant qu'elle n'ait pas pu être évitée) de cette guerre où les mots tuent au moins autant que les balles.
"Le Coran, c'est de la merde : ça n'arrête pas les balles !" titrait Charlie-Hebdo après que la nouvelle dictature militaire égyptienne ait ouvert le feu sur une manif d'opposants - dont des Frères musulmans - tuant des dizaines de personnes. Certes, les Frères musulmans ne sont pas des enfants de chœur. Mais les personnes qui manifestaient ce jour-là méritaient-elles la mort - ou leur mort était-elle dérisoire, voire risible - au seul motif qu'elles étaient musulmanes ?
Le mépris, l'insulte et l'humiliation n'arrêtent pas les balles non plus : ils ont même plutôt une fâcheuse tendance à alimenter la violence.
Humour, peut-être. A cette réserve près que la liberté d'opinion autorise aussi à ne pas toujours trouver drôle des saillies dont l'auteur n'admet notre intelligence qu'à la condition que nous lui reconnaissions l'usage d'un second, voire d'un troisième degré... faute de quoi il vous décoche l'imparable fatwah : celle qui vous relègue illico-presto au rang de "con", de "gros enculé", voire, pour être plus précis, de "gros con d'enculé de Breton" (de plouc, ou demusulman), ce qui, comme chaque lecteur de C.H. le sait, ne sont pas seulement d'humoristiques et amicales interpellations, mais sont aussi des pléonasmes.

Liberté d'expression, indiscutablement. ...Sauf pour Siné, viré de C.H. par Philippe Val, pour avoir osé croquer l'union du fils Sarko avec la fille Darty : "Il ira loin, le petit !" disait la légende. Inadmissible. Insupportable ! Soyons clair : antisémite !
Très drôle en revanche, le crobard représentant un animateur d'émissions TV en langue bretonne sous des traits mongoloïdes particulièrement accentués !... Sauf pour les parents d'un enfant trisomique (des gros cons d'enculés sans doute) qui osèrent envoyer C.H. en justice pour avoir fait de la trisomie un sujet de raillerie.
Et alors ? Même pas peur, Charlie-Hebdo, un journal particulièrement bordé sur le plan juridique, avec un conseil tel que Richard Malka, avocat de Clearstream, de DSK, de Clara Bruni-Sarkozy et du diamantaire Beny Steinmetz, l'homme le plus riche d'Israël.
Même pas peur, Charlie-Hebdo, un journal qui a des relations : ne serait-ce que Mme Jeannette Bougrab, compagne de Charb, membre de l'UMP, ancienne secrétaire d'Etat du gouvernement Fillon, cadre du lobby des assurances... et proche de l'inénarrable Claude Guéant.
Charlie-Hebdo, un journal à l'impertinence suffisamment balisée pour que les services de Philippe Val, son précédent et très courageux rédac' chef, lui valent en 2009 sa promotion par Nicolas Sarkozy, à la direction de France-Inter... ce qui permit à l'impétrant de quitter fort opportunément (et fort prudemment) C.H. après l'affaire des caricatures de Mahomet.
( On n'est jamais à l'abri d'un fou ! )

Je ne suis décidément pas Charlie. Je suis plutôt Siné. Hebdo devenu mensuel. Ce mois-ci encore, outre la chronique de Michel Warschawski, journaliste israélien anti- colonialiste, un bon papier d'Etienne Liebig, éducateur spécialisé, intitulé "L'autre regard sur le djihad" : du terrain, des pistes pour un monde meilleur ; de l'humour aussi... des arguments, du dialogue - sans concession, mais au-delà de l'invective stérile et délétère.
J'aimais bien le Grand Duduche.... même si le profil de son "Beauf", resté trop "eighties" laissait aux régiments de la génération qui lui ont succédé, un peu trop le loisir de croire qu'ils n'en étaient pas. Je n'étais pas insensible non plus aux charmes des dames peu vêtues de Wolinski.
Je m'incline, en tout état de cause, devant la peine des familles et les souffrances des victimes survivantes de cet ignoble massacre.
Mais, pas plus que je n'avais souhaité, en 2001, pleurer les seules victimes américaines d'une guerre qui avait déjà fait des milliers de victimes dans le monde entier, je ne viendrai grossir le troupeau tricolore dans lequel on nous demande maintenant d'abandonner notre libre-arbitre.
Je ne viendrai pas apporter mon blanc-seing à la guerre que ce gouvernement mène en Afrique pour y défendre les intérêts d’Areva, de Total et d'autres vampires... sous couvert de défense de la démocratie et des droits de l'homme. Car c'est bien le gouvernement de M. Valls qui est au commande de la grand-messe de dimanche, non ?
Je ne crois pas, en effet, qu'on puisse faire barrage aux semeurs de haine en tendant sa langue à la communion vénéneuse d'une "unité nationale", très efficacement ordonnancée par des Val(ls) - Philippe et Manuel -, Sarkozy et autres chantres d'une très sélective diversité et d'une non moins sélective liberté d'expression.
Et, pour être franc jusqu'au bout, je ne vois pas non plus - partis comme nous le sommes désormais - comment nous allons pouvoir empêcher ce baril de poudre de nous pêter à la gueule, d'une manière ou d'une autre.

Eh oui, ça fait un siècle que, conséquence des accords secrets signés par notre très respectable compatriote François-George Picot avec son britannique, mais non moins honorable confrère Mark Sykes, le Proche et le Moyen-Orient, ballotés entre protectorats, occupation, colonisation, dictatures militaires ou monarchiques, et intégrisme religieux, sont déchirés par une guerre sans fin qui détruit aussi sûrement qu'inéluctablement leur tissu social...
Pendant que nous nous bercions encore de l'illusion de vivre en paix, on avait cessé, là-bas, de compter les morts depuis longtemps.
Une compassion et une exigence de justice qui ne se serait pas arrêtées aux frontières de Schengen nous aurait peut-être épargné d'avoir, à notre tour, à compter les nôtres.
Peut-être n'est-il pas encore trop tard. A condition de cesser enfin de marcher en rang, comme de bons (?) petits soldats, derrière ceux qui rêvent de faire de nous tous les clônes d’un charlie à leur convenance.
Jean-Do ROBIN 8 janvier 2015 
  

-J'aime bien venir sur cette page, pas formatée, pour m'informer, rigoler, me rassurer, m'énerver...
Si je comprends tout à fait les positions de M. Robin, je pense qu'il ne faut pas croire que tous ceux qui s'apprêtent à participer demain à la grande mani(p)f, ne sont pas dupes. En effet, on peut choisir de rester chez soi et c'est tout à fait respectable mais on a le droit aussi de vouloir se retrouver pour manifester sa tristesse sans être pour autant un mouton stupide, aveugle aux tentatives de récupération. Il y a des moments où l'on a besoin de se retrouver.
Personnellement, je m'en tamponne complètement de savoir que l'un d'eux avait pour compagne une membre de l'UMP, quand j'aime bien quelqu'un je ne lui demande pas la liste de son entourage pour savoir s'il est aimable ou pas. Les faits en ont fait des héros du jour bien involontaires c'est sûr, et si je croyais à un ailleurs, je dirais qu'ils doivent bien rigoler de tous ces gens qui leur tressent des lauriers et disent avoir ri de leurs caricatures alors que pour la plupart ils grinçaient des dents ou leur faisaient des procès (oui en payant les services de M. Malka, j'ai bien lu). Mais voilà, Charlie m'a procuré des bonnes rigolades et je ne l'oublie pas.
Et dans mon entourage, notre présence à la manif ne signifiera pas faire allégeance à qui que ce soit.
Mais je me dis aussi qu'à force de scruter les raisons de ne pas participer à tel ou tel rassemblement, on finit pas se retrouver 3 pelés 1 tondu et ça ne fait rien bouger non-plus. Voilà, je n'ai pas l'habitude d'écrire et c'est peut-être maladroit mais c'est ce que je pense. Alors demain, j'irai, sans pour autant avoir l'impression de mettre mes convictions dans ma poche.
On peut peut-être rajouter à "Je suis Charlie"... "Je suis Charlie aujourd'hui oui, mais demain ?" Et se tournervers demain avec vigilance et désir de faire bouger les choses.
Catherine


-Beuh ?
Pour faire bref, je ne lisais plus "Charlie" depuis que Siné avait été viré comme un malpropre par le Philippe Val, carlabruniste subjugué.
Dégoûté j'avais été par la lâcheté des autres rédacteurs et collaborateurs, à part Cavanna et Willem.marche2
Le nouveau "Charlie" n'avait plus grand-chose à voir avec l'ancien, celui des pères fondateurs, et je trouvais même dommage que Wolinski et Cabu continuent de le cautionner.
Effectivement, Richard Malka, s'il peut être efficace comme avocat, est sans doute assez répugnant dans les choix de sa clientèle.
Certes, "Charlie", peut-être même avant la montée des marches du festival de Cannes, avait commencé à rechercher une reconnaissance de l'establishment et un rapprochement avec les politiques.
On ne verra jamais non plus Siné à l'Elysée pour demander des fonds qui sauveraient son journal.
Dans "Siné Mensuel", on trouve effectivement du sens et de l'humour, mais aussi quelquefois, rarement et heureusement, des articles qui me semblent complètement à côté de la plaque, comme le papier d'Etienne Liebig, éducateur spécialisé, donc viscéralement boy-scout, qui place au même niveau le djihad, les stupéfiants et la boulimie comme symptômes de la crise d'adolescence. Mais les tueurs parisiens djihadistes avaient quand même dépassé la trentaine, non ?
C'est vrai, Siné Mensuel n'est pas Charlie Hebdo, pourtant, Siné va sortir la semaine prochaine un numéro en hommage à Charlie et à tous ceux qui se sont fait buter.
M'étonnerai quand même qu'il défile ce dimanche dans son fauteuil roulant à oxygène.
Et moi non plus, derrière les bannières et les politiques, sous le regard bienveillant des policiers et des militaires et du plan-rouge-alerte-clignotante vigie-pirate.
Rien que cette signalétique officielle gerbante me rend la démarche insupportable...

Mais oui, "je suis Charlie" dans les rassemblements silencieux et spontanés, dans les minutes où l'on se recueille.
"Je suis Charlie" parce que je veux être libre de blasphémer, putain de bordel de nom de Dieu de merde, parce que, même après le baptême et la communion, je suis libre de choisir l'apostasie.
"Je suis Charlie" pour que Jean Kergrist puisse délirer sur le pape et passque personne ne doit me faire peur au point de m'empêcher de dessiner des prophètes barbus avec un gros nez.
"Je suis Charlie" au sens LARGE, aussi parce que je suis végétarien, athée et psycho-rigide !
Au moins aussi psycho-rigide que Jean-Do Robin...
Non mais
GK