167 - MICROBES

Je suis loin d’être un champion de l'entretien ménager. Regardez ci-dessous : mes balais, seau et serpillère son quasiment vierges de crasse prolétarienne.

Je viens de lire un article (dans Science et Vie de février 2015) qui donne ample justification à ce que je croyais n'être, jusqu’ici, chez moi comme chez beaucoup d'autres, qu’un marqueur rédhibitoire d'une grosse flemme masculine.

balaisJe peux désormais vous dire, vous, mesdames, qui passez votre temps à frotter dare dare à l’eau de javel évier, douche, chiottes, frigo et carrelage, que vous vous plantez dans les grandes largeurs.

Cet hygiénisme malsain, hérité de Pasteur, ne fait aucune distinction entre bons microbes et mauvais. Tous passe à la casserole, alors que la plupart de ces petites bêtes, que vous chassez de la maison comme des malpropres, ont des effets très bénéfiques sur votre environnement quotidien. Votre Tornade blanche, Monsieur Propre et autres détergents agressifs, vous privent d’une vie en bonne intelligence avec vos microbes familiers, qui font barrière de leurs corps, les braves, aux microbes pathogènes.

Au lieu de les chasser, vous devriez les remercier. Ces gentilles petites bêtes domestiques sont présentes sur votre peau, dans vos moquettes, sur vos plans de travail de vos cuisines, dans vos pots à fleurs, votre frigo, vos oreillers, vos draps et vos lèvres. Ils sont votre signature très personnelle. Et, si vous vivez à deux (ça arrive encore parfois), vos élevages microbiens se combinent en une heureuse harmonie, aussi bien que des petits gorets dans une maternité collective.

Mais, si, par exemple, vous vous douchez trop souvent - on va dire plus d'une fois par jour... faut quand même pas exagérer... surtout pour les narines des voisins de palier -, vous affaiblissez vos défenses immunitaires et, question santé, c'est aussitôt la Bérézina.

Ouvrez la fenêtre le matin, oui, certes ! Mais pas pour évacuer les microbes. Au contraire : pour faire entrer la gentille faune microbienne en suspension dans l'atmosphère.

«La signature microbienne de chaque maison peut, sans ambiguïté, être rattachée à ses occupants, et même, pour l’essentiel, à leur peau.» 600 bactéries différentes se combinent pour composer cette signature. Vous projetez autour de vous, sans discontinuer, 15 millions de micro-organismes par heure. La faune sympathique, ainsi produite, évolue sans cesse, se combinant au gré des rencontres, alléatoires ou programmées.

Un (ou une) pote qui passe 24h chez vous, sans même honorer votre lit, et voilà ses millions de microbes qui se combinent aux vôtres, enrichissant votre petit patrimoine ménager, montant la garde, à l’œil, contre prédateurs et agresseurs. La colocation est finalement plus bénéfique que le covoiturage. «Au bout d’une heure, on peut voir que quelqu’un de nouveau est arrivé dans un logement. 24h après, c’est comme s’il avait toujours vécu là.»

Cette nouvelle donne scientifique était en gestation depuis une vingtaine d’années déjà. Une équipe de l’université de Chicago, réunie au sein de «Home Microbiome Project» sous la direction de Jack Gilbert, vient de la valider après des tests très poussés auprès de nombreux cobayes volontaires. Et cette étude de conclure que «le culte actuel de la stérilité est, dans notre environnement quotidien, à la fois vain et nocif

Reposez vos serpillières !

Le gros dégueulasse de Reiser* jubile.

JK

*Reiser a pu échapper à l’hécatombe Charlie du 7 janvier : il a eu la chance de mourir avant (d'un cancer des os, en 1983, à 42 ans). La vie ne tient qu’à un fil, maman ! Aux méchants microbes pathogènes, mon fils !

 

COMMENTAIRES 7/02/15

"reposez vos serpillières!" dis tu...
Oui mais il y a une autre raison de les reposer; mais celle-là nous est offerte par un rêveur-poète-philosophe (mais ce ne sera pas la première fois que les découvertes des poètes ont précédé celles des scientifiques n'est ce pas?...) , Gaston Bachelard, qui dans un délicieux petit livre, "La psychanalyse du feu" nous fait remarquer que comme Balzac, "les froids intérieurs des vieilles filles sont parmi les plus reluisants"...
Qu'est-ce à dire ? Quel rapport entre la situation de vieille fille et la manie de la propreté ?... "Psychanalytiquement la propreté est une malpropreté", écrit-il, en évoquant "la joie de frotter, de fourbir, de polir, d'astiquer", tous gestes fortement sexualisés qui sont aussi les gestes des premiers créateurs du feu par les frottements bois contre bois, sources d'embrasements....
Les philosophes et les scientifiques d'accord pour souhaiter que nos joies à polir, astiquer, frotter aient d'autres destinations que nos meubles et recoins de la maison! la propreté sera ailleurs.
Elle est pas belle la vie?

Bernard

-Si je te comprends bien, Bernard, en prolongeant ta réflexion et celle de Bachelard, on pourrait faire 2 catégories de frotteuses : celles qui frottent en jouissant et celles qui frottent en se plaignant. C'est ça ? À l'arrivée ça ne change toutefois pas grand chose à la misère du pauvre observateur, à qui ces frottements ne sont pas destinés.

Autre piste de réflexion : au Sofitel de New-York, DSK n'avait pas jeté son dévolu sur une serveuse ou une caissière, mais sur une femme de chambre. Qu'en pense Dodo la Saumure ? Il faut vite que Bachelard s'invite comme expert au procès de Lille.

JK

Pourquoi ecris-tu qu'il y a les frotteuses "qui frottent en jouissant et celles qui frottent en se plaignant" ? Peut être qu'elles deux jouissent en frottant, mais les joussances ne se situent pas aux mêmes endroits...

Bernard

Vieille fille toi-même
C'est l'histoire classique des hommes de toute génération, toujours entre deux acquisitions. L'histoire de nos compagnons à qui malicieusement en guise de message subliminal, dans ma famille pour Noël, régulièrement nous offrions, des jolis chiffons extraordinaires de toutes les couleurs et de toutes les textures pour faire reluire leur dernier véhicule, dernière voiture, dernier vélo, dernier camping car ou leur dernière moto, bref leur dernier joujou ... C'est l'histoire des garçons de ma famille tous maniaques du chiffon, qui passaient et passent encore à n'en pas douter plus de temps à caresser leurs carosseries successives que leur femme ou la tête de leurs enfants ! Plus de temps à rêver de leurs futures acquisitions, plus de temps à feuilleter leurs catalogues qu'à donner un coup de main quotidien, qu'à se balader en famille et autre ... Plus de temps à chercher des pièces d'occasion ou autres gadgets tout aussi indispensables que totalement superflus ... C'est l'histoire de toutes ces heures de lavage décapage polishage lustrage  dépoussiérage qui finalement remplaçaient une prise régulière d'antidépresseurs ou autres produits illicites ... Bref, l'histoire de nos grands angoissés de la vie qui se soignaient à coups de chiffons et qui nous faisaient nous les femmes de la famille mourir de rire, quand nous nous installions à la fenêtre pour admirer avec quel doigté et quelle douceur l'objet de leur rêve était astiqué, quand l'une ou l'autre d'entre nous risquait tout haut un " Ah que ne suis-je ta moto ! " ... Nous décidions alors en choeur pour le prochain anniversaire de verser plutôt dans le dernier polish à la mode, histoire d'enfoncer le clou, mais sans jamais attendre de prise de conscience soudaine, qui de toute façon ne serait jamais advenue. Autant dire finalement que cela nous arrangeait bien car, pendant qu'ils frottaient leur bien aimé moyen de locomotion, ils n'étaient pas sur notre dos et nous autres, on faisait ce qu'on voulait sans leur demander leur avis comme d'habitude ...
Les hommes de ma famille comme beaucoup, on collectionné de nombreuses véhicules en tout genre. Ils ont passé des heures et des heures au salon dans leur bureau, dans la cuisine, dans leur lit, et aux toilettes, à désirer, désir, désir, leurs futures acquisitions, le futur objet de leur rêve ... Et puis à chaque fois que leur rêve devenait réalité, à chaque fois qu'ils en faisaient le tour et qu'ils les astiquaient dans les moindres recoins, ils leur découvraient de nombreux défauts et pour finir leur engin n'ayant plus  de secret pour eux alors invariablement ils se mettaient en quête d'un autre objet de rêve ... ! ! !
A vous lire, décidément messieurs, votre mauvaise fois n'a d'égale que votre manque de lucidité, quant à vos maniaqueries de vieilles filles depuis le temps qu'on les déshabille, elles n'ont plus de secret pour nous. Cela ne nous empêche pas pour autant de vous garder un certain temps ... Faut-il que nous soyons magnanimes pour accepter de vous voir jouer les femmes de ménage dans vos garages respectifs quand vous n'en foutez pas une ramée à la maison, vous avez vraiment de la chance que par dessus le marché nous ne soyons pas misogynes ...
Et vlan, passe-moi l'éponge et prends la serpillière
Iso

Je vais aggraver mon cas aux yeux d'Iso, qui, en toute mauvaise fois, esquive le sujet (scientifique) principal (les microbes) en faisant diversion (il est vrai que Bernard n'y est pas allé avec le dos de la cuilllère) : je ne frotte pas davantage ma bagnole (simple instrument utilitaire) que mon carrelage. Qu'elle se rassure quand même : si je ne suis pas un maniaque de l'eau de javel, chez moi ce n'est pas un taudis d'ouvrier agricole. Je cuisine (pas trop mal), balaye, lessive, plie le linge, change mes draps, vide les poubelles et fais ma vaisselle après chaque repas. Ça vous en bouche un coin, madame ?

JK

Voici qui, tout en allant dans le sens bachelardien, mis en lumière par Bernard, va plaire à Iso : "...une étude (Enquête CSF) a montré que le niveau de désir des femmes était corrélé à la participation de leur partenaire aux tâches ménagères : plus un homme participe, plus sa partenaire éprouve de désir ! Pourquoi ? C’est sans doute qu’elle se sent plus respectée et aimée" Extrait de la revue Internet canadienne "Passeport Santé" (abonnemnt internet gratuit avec lettre hebdomadaire.)

JK